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Interview « C’est du bon sens de stocker l’eau l’hiver »

Pour Vazken Andréassian, hydrologue à l’Inrae,il y a plusieurs solutions pour satisfaire une demande en eau croissante : il y a plusieurs options : faire évoluer les pratiques agricoles et alimentaires, et stocker l’eau.

Vazken Andréassian, hydrologue à l’Inrae, estime que stocker une partie de l’eau issue des rivières reste possible à condition de maintenir la circulation pour les écosystèmes.

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Comment vont évoluer les précipitations en France sur le long terme ?

À l'échéance de 2050, les tendances sur les pluies annuelles ne sont pas claires. Si toutes les simulations des modèles climatiques montrent bien une hausse de la température partout en France, l’avenir des précipitations moyennes annuelles reste, lui, incertain. Mais nous savons tout de même que, au nord de la Loire, les étés devraient être plus secs et les hivers plus humides, avec au final, des pluies annuelles qui pourraient être stables. Au sud de la Garonne, en revanche, les pluies annuelles seraient en forte baisse. Entre la Garonne et la Loire, c’est l’incertitude.

Par ailleurs, la fréquence des épisodes de pluies extrêmes devrait augmenter partout en France avec donc des problèmes de crues, malgré des débits de rivières en baisse sur certains territoires.

Comment augmenter les ressources en eau ?

Pour satisfaire une demande en eau qui devrait être en augmentation, il y a plusieurs options : faire évoluer les pratiques agricoles et alimentaires, et stocker l’eau. Si le stockage n’est pas la seule solution, il y a des cas où il est utile pour transformer l’écoulement naturel en ressource utilisable. Imaginons que j’ai un salaire de 10 000 € par mois, que je dépense 2 000 € mais que je ne peux pas épargner le reste : mon salaire important ne sert à rien. C’est pareil pour le débit de certaines rivières. Au nord de la Loire, à l'échéance de 2050, les débits des rivières pourraient augmenter en hiver et baisser en été. Cela paraît être du bon sens de pouvoir stocker une partie de l’eau l’hiver pour la relarguer l’été. Créer des réservoirs permet également de mieux gérer les crues.

"Si stocker l’eau permet d’augmenter la ressource mobilisable, il y a des limites."

Pour rappel, à Paris l’été dernier, 50 à 60 % de l’eau qui s’écoulait dans la Seine venaient du délestage de barrages artificiels situés en amont. La production d’eau potable, l’activité des péniches et des bateaux-mouches ont ainsi été maintenues. Ces quatre lacs-réservoirs (Marne, Seine, Aube et de Pannecière) protègent le territoire des sécheresses et des crues, mais ils ont également un effet positif sur l’environnement, en servant notamment de refuge aux oiseaux migrateurs (dont les grues cendrées), qui viennent y hiverner.

Comment transposer ce modèle aux réservoirs agricoles ?

Comme les réservoirs en amont de la Seine, l’idéal serait de profiter de la circulation naturelle de l’eau en surface et de stocker l’eau en parallèle d’une rivière, afin de ne pas rompre la continuité écologique de cette dernière. À défaut d’une rivière, le pompage dans la nappe aquifère reste une solution, mais l’eau qui y est prélevée manquera plus à l’aval car les nappes s’écoulent toutes naturellement vers une rivière de surface.

Mais si stocker l’eau permet d’augmenter la ressource mobilisable, il y a des limites. Le « rendement » d’un réservoir sera toujours limité par le débit réservé des rivières pour garantir un écoulement, qui correspond à 10 % du débit moyen. Par ailleurs, le stockage de l’eau n’est pas « gratuit » : il y a toujours des pertes par évaporation. En revanche, le rendement d’un réservoir augmente avec sa taille. Il faudrait donc privilégier les gros réservoirs, qui concentrent plusieurs usages (eau potable, activités touristiques et agricoles…) pour être acceptés par tous.

Par ailleurs, tout prélèvement d’eau a un impact écologique. Il convient d’étudier ces impacts, réels et non fantasmés, du remplissage des réservoirs.

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